Publié le 2 novembre 2025 par Nicolas Lestienne
Une étude franco-italienne révèle que les nuages au-dessus de la France contiennent entre 6,4 et 139 tonnes de pesticides. Voici ce que cela signifie pour les écosystèmes, l’eau et le jardinage responsable.
- Ce que dit l’étude : méthodes, chiffres, molécules
- Comment ces pesticides se retrouvent-ils dans les nuages ?
- Ce que l’on sait des risques et des inconnues
- Quelles molécules, quels usages, quelles voies de dépôts ?
- Pour les territoires et les jardins : que faire dès maintenant ?
- Pourquoi cette découverte compte
- Repères rapides
- Pour aller plus loin — ce qu’en disent les sources
Ce que dit l’étude : méthodes, chiffres, molécules
Des chercheurs ont capté et analysé des échantillons de nuages au sommet du puy de Dôme, puis extrapolé les résultats à l’échelle nationale. Ils estiment que la phase aqueuse des nuages contient entre 6,4 et 139 tonnes de résidus (herbicides, insecticides, fongicides et métabolites).
Dans certains échantillons, les concentrations totales dépassent le seuil européen de 0,5 µg/L pour l’eau potable. L’étude, publiée dans Environmental Science & Technology, a aussi détecté des substances interdites en Europe (par ex. atrazine, fipronil), signe d’un transport atmosphérique à longue distance et/ou de réémissions environnementales.

Comment ces pesticides se retrouvent-ils dans les nuages ?
Plusieurs voies d’entrée sont documentées : volatilisation après application, érosion des sols, pulvérisations qui dérivent, réémissions depuis les surfaces et l’eau d’irrigation. Les molécules rejoignent l’atmosphère, s’associent aux microgouttelettes des nuages, voyagent au gré des vents et retombent via la pluie, parfois loin des zones d’usage.
Ce mécanisme explique la présence de pesticides dans des milieux éloignés des cultures et renforce l’idée d’un cycle atmosphérique des contaminants.
- Volatilisation et dérive après traitement des cultures.
- Réémissions secondaires (sols, eaux, végétation) lors des périodes chaudes.
- Transport à longue distance et dépôts par les précipitations.
Ce que l’on sait des risques et des inconnues
Les chercheurs insistent : le signal mesuré est réel, mais l’extrapolation comporte des incertitudes (variabilité spatio-temporelle des masses nuageuses, dynamiques météorologiques).
Les niveaux observés n’impliquent pas, à eux seuls, une évaluation de risque sanitaire immédiate pour l’humain ; en revanche, l’exposition chronique des écosystèmes (invertébrés, amphibiens, flore) et la contribution aux flux de pesticides dans le cycle de l’eau invitent à renforcer la surveillance et à intégrer l’atmosphère dans les politiques de gestion.
Des travaux connexes montrent par ailleurs des pesticides dans l’eau de pluie en Asie et en Europe, à des niveaux faibles mais écologiquement pertinents pour les insectes à long terme, ce qui corrobore l’existence d’un continuum air-nuages-pluie-sols.
Quelles molécules, quels usages, quelles voies de dépôts ?
| Familles / exemples | Usages principaux | Voies possibles jusqu’aux nuages | Effets écologiques évoqués |
|---|---|---|---|
| Herbicides (ex. atrazine*, glyphosate) | Désherbage des cultures | Volatilisation, dérive, réémission | Pressions sur plantes non cibles, qualité des eaux |
| Insecticides (ex. fipronil*, néonicotinoïdes) | Lutte ravageurs | Aérosols, dépôt humide | Effets chroniques potentiels sur insectes |
| Fongicides (divers) | Maladies cryptogamiques | Adsorption aux gouttelettes | Contamination diffuse d’habitats éloignés |
* Substances interdites en Europe mais détectées comme traces dans certains échantillons, suggérant transport et/ou réémissions.
Pour les territoires et les jardins : que faire dès maintenant ?
Au niveau des politiques publiques, les auteurs et observateurs recommandent d’intégrer l’atmosphère dans les bilans de contamination, d’ajuster la surveillance et d’améliorer la traçabilité des usages. Côté jardinage, plusieurs pratiques réduisent l’exposition et limitent la dispersion des polluants :
- Privilégier des itinéraires 0 phyto (paillages, rotations, auxiliaires).
- Planter des haies et bandes fleuries pour favoriser les régulations naturelles.
- Récupérer l’eau de pluie et la filtrer pour l’arrosage des cultures sensibles.
- Surveiller les précipitations après des épisodes venteux : rincer les feuillages comestibles, respecter des délais avant récolte.
Pourquoi cette découverte compte
Voir la pollution phytosanitaire « passer par les nuages » change l’échelle d’analyse : elle ne se limite plus aux parcelles, ni même aux bassins versants. Les résultats invitent à mieux relier pratiques agricoles, atmosphère et qualité de l’eau, et à développer des politiques réellement systémiques.
Le sujet dépasse la seule France : d’autres études confirment que ce phénomène s’observe sur plusieurs continents, d’où l’intérêt d’une coordination scientifique et réglementaire internationale.
Repères rapides
- Charge estimée : 6,4 à 139 tonnes de pesticides dans la phase aqueuse des nuages au-dessus de la France.
- Des molécules interdites détectées (traces), signe de transports et de réémissions.
- Dans une partie des échantillons : dépassement des 0,5 µg/L (total) – seuil UE eau potable.
- Enjeux : dépôts à distance, effets chroniques sur biodiversité, intégration de l’air dans les politiques de l’eau.
Pour aller plus loin — ce qu’en disent les sources
- CNRS-INSU, communiqué et synthèse technique sur la charge en pesticides des nuages (6,4±3,2 à 139±75 t).
- The Conversation, explications détaillées des auteurs sur la méthode et les incertitudes.
- Atmosud, éclairage sur les implications air-eau et les impacts potentiels.